Quatrième de couverture :
Dans mon enfance, on n’allait pas au cinéma. Ma mère ouvrait le café à 5 heures du matin, pour les éboueurs. Elle m’a pourtant emmenée deux fois à l’Eldorado. Moments luxueux, où on marchait dans la nuit tombée, à la lumière des réverbères. La première fois, c’était pour Les Misérables.
Ma mère n’est pas à elle seule la représentante du peuple. Mais enfin, elle avait été bonne à tout faire, ouvrière, caissière, elle était fière d’avoir son certificat d’études et se rappelait mystérieusement quelques grandes dates de l’histoire ouvrière. Elle n’avait aucune sympathie pour ceux qui jugent de haut les filles perdues, les malheureux, les pas-chanceux. Elle n’a jamais lu Les Misérables, ni Les Trois Mousquetaires. Mais elle en connaissait l’histoire. Et elle ne s’étonnait pas d’en être à sa façon familière. Elle ne s’en intimidait pas. Ça faisait partie de son patrimoine. Comme pour des millions de gens. Dans le monde entier.
Cette littérature-là ne cherche pas à se mettre « à la portée » mais veut écrire aussi grand que le peuple à venir. Il y a des chansons, l’argot des malfrats, du feuilleton sentimental, du burlesque et du tragique, de la philosophie, un lyrisme flamboyant, des références, du panache et de la politique partout… Et le peuple à venir se l’est, à sa façon, appropriée.
Chronique :
Tout d’abord je voudrais remercier le site Babelio et les éditions Agone d’avoir pu me faire profiter de cet essai dans le cadre de Masse Critique de Juin.
Dans cet ouvrage, Evelyne Pieiller retrace la rencontre entre le peuple et la littérature française, entre les courants politiques du XIXe siècle et le mouvement romantique français, au travers principalement de deux romans, Les Trois Mousquetaires d’Alexandre Dumas et Les Misérables de Victor Hugo.
L’autrice a une connaissance érudite de l’époque avec pas mal de références, qui relèvent aussi bien du domaine politique qu’historique. J’ai pu trouver une bibliographie indicative ainsi que des repères chronologiques, découpés en deux colonnes, l’artistique et le politique. Il y a de très nombreuses citations, mais la référence précise (auteur, titre et page) n’est pas indiquée. J’avoue avoir une connaissance assez limitée de l’histoire politique de ce coté de la Manche pour cette époque et j’ai eu quelques difficultés à suivre mais l’autrice rappelle souvent les orientations politiques et artistiques des personnes qu’elle cite.
J’ai particulièrement aimé les indications qu’elle donne sur les auteurs dont elle parle. Elle leur donne une consistance autre que juste leur production littéraire en utilisant à bon escient leur biographie et leurs positions politiques. L’autrice est sans langue de bois et ne ménage pas les auteurs en question. Elle dresse des portraits assez cinglants et étale, par exemple, les préjugés condescendants d’Hugo vis-à-vis du peuple.
Cette lecture a été passionnante, enrichissante mais aussi assez exigeante et qui m’a donné envie de replonger dans certains classiques.