Un couple, Mr et Mme Parker, partent en balade et ont un accident. Ils sont secourus par une famille, restent quelques temps chez eux et proposent à l’une de leurs filles de venir passer l’été à Sanditon, petite ville balnéaire à leurs côtés.
Critique :
Jane Austen, à sa mort, travaillait sur un roman qu’elle avait appelé The Brothers. A sa mort, le roman est inachevé (une cinquantaine de pages) et devient Sanditon. Il existe plusieurs éditions de ce roman, terminé par différents auteurs. J’ai lu la version finie par “une autre dame”, Marie Dobbs (1924-2015).
J’ai beaucoup aimé ce roman. Déjà, en le commençant, je ne savais pas exactement où finissait le texte par Jane Austen et où commençait la fin écrite par Mary Dobbs. Le passage de l’une à l’autre n’est pas perceptible. Mary Dobbs a fait, en cela, un très bon travail.
Ce que j’ai apprécié dans cette lecture, c’est de retrouver des éléments familiers et d’avoir quand même un minimum de surprises et de nouveautés. On retrouve l’écriture de Jane Austen, mais aussi un peu le type d’intrigue et de personnages : une jeune fille confiée à des adultes qui doivent la guider dans la société (avec plus ou moins d’expertise, étant eux-mêmes faillibles), des histoires de mariage dans la bonne société rurale anglaise du début du XIXe siècle, cette ironie et cette irrévérence envers certains personnages, un héros masculin ambigu, un certain type de dénouement.
J’ai trouvé certains personnages un peu différents de ceux dont on a l’habitude chez Austen : Mr Parker est un entrepreneur, qui mise beaucoup d’argent sur la construction de Sanditon comme future destination à la mode. Les frères et soeurs Parker sont aussi inhabituels : on a là des hypocondriaques patentés, qui présentent un fort contraste avec l’héroïne, très terre-à-terre.
Charlotte, l’héroïne principale, semble être plus mure que les autres héroïnes de Jane Austen sur certains points. Les jeunes filles dans la plupart des romans de Jane Austen tirent rapidement des conclusions et s’emballent dans leurs théories parfois fumeuses. Il suffit de penser aux manigances d’Emma pour marier tout le monde autour d’elle. Autre exemple : dans le contexte gothique de Northanger Abbey, Catherine Morland plaque le portrait d’une famille de romans d’horreur avec une mère absente, probablement tuée par le père tyrannique, et une jeune fille maltraitée et oppressée par ce même père sur ses hôtes. Les autres héroïnes d’Austen aiment se perdre en conjoncture sans aucune retenue. Charlotte fait des suppositions, certes, mais elle est beaucoup plus nuancée. Elle est à la limite du détective privée : elle rassemble les indices, pèse le pour et le contre, elle est particulièrement observatrice de son entourage, c’est même un trait qui lui est renvoyé souvent à la figure dans le roman. Sera-t-elle plus dans le vrai que ces prédécesseurs ? Je ne vais pas non plus raconter la fin. Toujours est-il que Charlotte me semble plus prudente, plus mature et plus travaillée que d’autres personnages de Jane Austen.
En conclusion, pour ceux qui apprécient Jane Austen, il y a tous les éléments pour passer un bon moment : le style d’écriture, les personnages, l’intrigue. Mais en plus il y a des rebondissements un peu inattendus, des personnages abordés sous un angle différent.. Le plaisir d’un Jane Austen avec ce qu’il faut de prévisible et d’inattendu.