Tout d’abord petit point sur l’édition.
J’avais acheté l’édition collector chez Bragelonne, parue en 2007. Grand format donc prix conséquent, cette édition est intéressante pour plusieurs raisons : nouvelles traductions ou traductions revues, à noter que la fantasy souffrait souvent des traductions : passages coupés ou incohérences de traduction (genre dans les Princes d’Ambre, le personnage de Julian devient dans le tome 5 Julien pendant 100 pages pour ensuite reprendre le nom non traduit de Julien). L’effort question traduction est donc à souligner.
Autre bon point de cette édition : l’introduction par Patrice Louinet qui met l’acent sur la thématique du barbare dans les nouvelles de Conan. Il remet aussi ces nouvelles en contexte en expliquant dans quelles conditions Howard les a écrites : il précise notamment que certaines sont travaillées plus que d’autres, écrites dans l’urgence, répondant à une démarche plus alimentaire.
Les nouvelles.
Le recueil réunit les treize premières nouvelles mettant en scène Conan le Barbare. Très bien écrites cependant les relations entre elles sont assez confuses. Le personnage de Conan évolue peu même si sa situation elle change quasi à chaque histoire. Roi d’Aquilonie dans la premiere, il redevient pillard, pirate, chef de rebelles dans d’autres. Contrairement aux hommes dits civilisés qu’il croise, Conan agit selon un code de l’honneur précis : il ne trahit que ceux qui le méritent, ne tuent pas les femmes, ne s’imposent pas par la force à elles, vient en aide aux jeunes femmes en détresse (et il y en a pas mal, voire presque dans chaque nouvelle).
Liens avec le roman d’aventure du XIXe.
La fantasy peut être considérée comme l’héritière du roman d’aventure du XIXe. Ce dernier comporte de nombreux traits marquants comme l’opposition entre barbarie et civilisation, mais aussi entre mésaventures (les différents épisodes) et Aventure (l’histoire dans sa totalité) ou encore comme un système de valeurs.
Les nouvelles de Conan furent écrites dans les années 1930 et comportent encore un certain nombre de points communs avec le roman d’aventure. Aussi bien dans l’un que dans l’autre, la femme a une place assez stéréotypée : soit jeune fille en détresse, soit femme aventurière/tentatrice et source de danger. Au travers de ces récits, Howard amène aussi le lecteur à s’interroger sur l’opposition entre barbarie et civilisation.
” Les assassins flanchèrent. Ils avaient beau être des criminels sans foi, ni loi, ils restaient néanmoins de purs produits du monde civilisé. En face d’eux se dressait le barbare, le tueur naturel. Ils reculèrent ; le tigre mourant pouvait encore donner la mort.” (page 48)
” En règle générale, les hommes civilisés sont plus malpolis que les sauvages car ils savent qu’ils peuvent se montrer grossiers sans se faire fendre le crâne pour autant” (page 96)
Mais Conan n’est pas tout à fait conforme au roman d’aventure traditionnel. Ce parti pris pour le barbare amène l’auteur à inverser les roles conventionnels. Dans le roman d’aventure, l’homme civilisé plonge dans l’inconnu, souvent contrée hostile, et doit dompter la violence en lui, devenir un peu barbare, tout en gardant le controle, afin de vaincre ses ennemis. Ici le héros n’est pas civilisé, et au final ne le devient pas, méprisant l’hypocrisie des rapports sociaux dits civilisés.
J’aime pas des masses les nouvelles, format que je trouve trop court à mon goüt mais j’ai apprécié ce recueil de nouvelles, notamment pour confronter l’image que j’avais de Conan avec la réalité des textes. L’écriture est plaisante, même si un peu redondante (genre Conan est toujours comparé à un tigre, ah pardon quand il ne l’est pas, il est “félin” ou comparé à une panthère). Le gros obstacle du recueil étant la chronologie assez chaotique des histoires.