“Mes rêves étaient toujours là. D’une précision absolue. C’étaient ces rêves qui me maintenaient en vie, je le sais maintenant. Sans Shakespeare, mon existence n’aurait eu aucun sens. Je n’étais né que pour le faire revivre.” 1923. A la mort de sa mère, Vitus Amleth de Saint-Ange quitte l’institution d’Elisnear Manor où il séjourne, amnésique, depuis sept ans. Il part à la reconquête de son passé. Son chemin à rebours le conduit de Londres au nord de l’Angleterre, jusqu’au village de Fayrwood qui n’apparaît sur aucune carte… Comme Vitus de Saint-Ange, Or not to be brasse l’imaginaire et la réalité dans une empoignade féroce et subtile. L’allégorie prend chair et le Grand Pan, dieu des bergers d’Arcadie, dieu de la fécondité, arpente la forêt de Fayrwood. Qui d’autre a réponse au mystère qui hante le personnage comme le roman : celui de la création quand elle incarne au plus juste la vie elle-même ? Comment William Shakespeare est-il devenu l’égal des dieux ?
Critique :
Le roman s’ouvre sur les pensées du Docteur Thomas Jenkins, psychiatre vivant désormais aux Etats Unis mais qui a exercé en Angleterre dans un établissement cossu. Il revient sur un cas qu’il a eu l’occasion d’y rencontrer : Vitus Amleth de Saint Ange, un patient bien étrange. Vitus est amnésique, il ne se souvient que de ses sept premières années, pendant lesquelles il vivait à Londres avec sa mère. Il est obsédé la nuit par un lieu mystérieux, Fayrwood. Il décide un jour de quitter l’institution où il séjourne pour partir à la recherche de son passé…
L’écriture est très fluide. J’apprécie le côté un peu patchwork du roman qui passe d’un type d’écrit à un autre : des récits assez traditionnels racontés à la première personne, un journal intime, une pièce de théâtre … Non seulement il a une grande diversité de formes mais il emprunte aussi des éléments à différents genres (les thèmes de la folie et du double au fantastique, le mythe du Grand Pan à la mythologie gréco-romaine, les citations shakespeariens au théâtre élisabéthain et même des réflexions sur le cinéma d’Hitchcock)
J’avais déjà lu des romans par cet auteur et je trouve ce roman beaucoup plus intéressant. Les autres ne sont pas mauvais mais ne sont pas aussi riches que celui-ci. On a ici un véritable récit fantastique, où le lecteur devra faire la part entre le réel et le fantasmé. L’auteur nous laisse sur notre faim et nous invite à décider par nous-mêmes du poids que l’on peut accorder à ce récit. Vitus est obsédé par William Shakespeare, il ne lit quasiment que cela depuis ses 7 ans, âge où il a découvert cet auteur. Son obsession finit par inquiéter sa mère, tout en la fascinant en même temps. Le texte est particulièrement riche en citations et en références, à commencer par les noms du héros (Amleth / Hamlet) et de l’institution (Elisnear / Elseneur). Contrairement à d’autres romans (je pense ici à la série des sorcières chez Pratchett et notamment les Trois Soeurcières), il ne s’agit pas ici de parodier le barde mais de proposer une nouvelle lecture de son œuvre. Autant j’apprécie la richesse du roman, autant je suis plus mitigée quant aux conclusions tirées par le héros. Mais cela importe peu puisque c’est à chacun de faire la part des choses entre le vrai et le faux du récit du héros…