Cet ouvrage de Maxime Coulombe se penche sur les raisons possibles des jeux vidéo en ligne massivement multijoueur en prenant l’exemple de World of Wacraft.
La réflexion est assez intéressante, soutenue par une bibliographie bien fournie, théorique en français et tout ce qui relève des analyses plus poussées et plus centrées sur les jeux vidéo en anglais puisque c’est un domaine assez pauvre en français. L’auteur développe des idées autour de plusieurs activités possibles liées aux MMORPG (s’immerger, jouer, socialiser) et soulève des points pertinents et intéressants mais son essai souffre de deux défauts qui me gênent un peu.
Premier défaut : l’inexactitude.
Il cite les “MUD (MultiUser Dongeon), autre appellation , plus ancienne, pour ces jeux en ligne massivement multijoueurs” (p 84). Oui et non … Que les MUD soient liés aux MMORPG, oui évidemment mais c’est oublier que les MUD, c’est du textuel et non du jeu vidéo avec du graphisme. Donc même si l’un est l’ancêtre de l’autre, c’est quand même pas pareil.Vous remarquerez dans la citation précédente : dOngeon… mais le monde de Wow devient sous sa plume “Azaroth” (alors que c’est Azeroth), la capitale des gnomes se nommerait “Gnomeran” (et non Gnomeragan) et on pourrait avoir des rhinocéros comme monture (ce qui ne me semble pas être le cas).
Autre exemple : la note de bas de page p 23 : Depuis la sortie de l’expansion La Colère du Roi Liche (The Wrath of the Lich King), les joueurs ont désormais la possibilité de refaire les quêtes déjà réussies, de retourner dans des donjons déjà visités, de voir mesurée l’expertise professionnelle de leur avatar et calculée leur habilité dans les combats contre les autres joueurs. La compilation de ces données permet de classer les joueurs en fonction de leurs accomplissements dans le jeu.
Je pense qu’ici l’auteur nous parle de beaucoup de choses en même temps. Tout d’abord, on dit extension et pas expansion. Refaire les quêtes déjà réussies : non, pas possible, à moins qu’on parle de quêtes journalières et là oui, mais elles existaient déjà auparavant. Les donjons déjà visités : oui c’est vrai mais c’était déjà le cas avant. Je pense ensuite qu’il nous parle du système des hauts faits et des matchs cotés. Et ailleurs, il nous parlait des raids comme des « quêtes » qu’il faudrait faire en groupe. Sauf que non, un raid c’est pas une quête. Bref l’auteur n’a pas acquis le vocabulaire propre aux MMORPG et à WoW en particulier.
Second défaut : la généralisation.
Je cite l’introduction : C’est donc avec un peu d’appréhension que j’ai accepté la proposition de Michela Marzano d’écrire un ouvrage sur les jeux vidéo en ligne, et plus spécifiquement, sur les jeux en ligne massivement multjoueurs. (p 10)
Le tout à partir d’un seul exemple, World of Wacraft. Quelques précisions sont nécessaires. Jeux vidéo en ligne : tout jeu qui requiert une connection (genre jeux facebook ou diablo 3). Mais « massivement multijoueurs », c’est déjà plus restreint. WoW relève d’une catégorie encore plus limitée puisque c’est un MMORPG, massively multiplayer online role-playing game / jeu de rôle en ligne massivement multijoueur.
Dixit wikipedia : Le MMOG se subdivise en plusieurs sous-genres comme le MMOFPS (Massively Multiplayer Online First Person Shooter), le MMORTS (Massively Multiplayer Online Real-Time Strategy) et le MMORPG (Massively Multiplayer Online Role Playing Game), ce dernier étant de très loin le type le plus populaire aujourd’hui.
Bref WoW ne peut pas représenter une catégorie si variée, le jeu en ligne massivement multijoueurs qui le regrouperait avec des titres comme Starcraft ou Counter Strike.
Autre exemple de généralisation : « D’un point de vue économique, les jeux massivement multijoueurs en ligne ressemblent davantage aux jeux d’arcade qu’aux jeux vidéo sur console ou des jeux d’ordinateur classiques. Les jeux d’arcade ne sont jamais achetés par le joueur, ce dernier doit louer son temps de jeu en insérant une pièce de monnaie. » (p 133)
Guild Wars est sorti en 2005 (5 ans avant la parution de cet essai donc, qui date de 2010). Ce jeu n’a pas de mode d’abonnement. Une exception, certes, mais la plupart des jeux tendent à rejoindre son mode de fonctionnement (accès gratuit à un contenu plus ou moins limité + boutique d’objets = le « free to play » / F2P). D’autres jeux ont développés un autre type de fonctionnement assez similaire, le freemium : la coexistence de joueurs gratuits (accès limité) et de joueurs « premium » qui paient un abonnement.
Certaines réflexions collent bien à WoW (la référence aux mondes de fantasy typique mais aussi à une grande variété d’autres univers comme la SF ou des clins d’oeil au cinéma ou à la musique). D’autres manquent de nuances : l’auteur dit qu’une fois la classe choisie, on ne peut pas en changer. C’est vrai. Mais le système de spécialisation permet d’avoir une certaine latitude dans la manière de jouer et de changer son personnage, une fois la classe sélectionnée.
L’auteur annonce avoir été un joueur pour arrêter totalement ce passe-temps pour se consacrer à ses études. Objectif louable mais au final, quand on lui a proposé d’écrire cet essai, je crains que, contrairement à ce qu’il pensait (« j’étais sans doute bien qualifié pour le travail, mais trop bien peut-être » p 10), il manquait un peu de connaissances et de rigueur.