Résumé éditeur :
Jane Eyre est pauvre, orpheline, pas très jolie. Pourtant, grâce à sa seule force de caractère, et sans faillir à ses principes, elle parviendra à faire sa place dans la société rigide de l’Angleterre victorienne et à trouver l’amour… Une héroïne qui surmonte les épreuves sans perdre foi en son avenir, une intrigue où se succèdent mystères et coups de théâtre, une passion amoureuse qui défie tous les obstacles : le plaisir de lire Jane Eyre est toujours aussi vif. Comme elle, on veut croire que rien n’est écrit d’avance et que la vie réserve des bonheurs imprévus.
Critique :
Bien que je connaisse l’histoire, je n’avais jamais lu ”Jane Eyre”, pourtant un classique de la littérature anglaise. Voilà qui est chose faite et j’en retire un plaisir mitigé.
L’histoire est, somme toute, assez classique : une orpheline pauvre, maltraitée par sa famille d’adoption, devient enseignante et tombe amoureuse d’un homme au-dessus de sa condition. Un certain nombre de rebondissements sont convenus : les préjugés de sa famille d’adoption, le refuge dans les livres, les révélations sur sa famille biologique et leurs conséquences, la fin heureuse. Bref, pas de grosse surprise.
C’est aussi un récit particulièrement daté par certains aspects, notamment son rapport à la religion. Il y a de nombreuses références à la Bible. En soi, il faut savoir que la culture anglo-saxonne fait régulièrement référence aux récits bibliques, ce n’est ni étonnant, ni gênant. Mais en prime Jane exprime régulièrement sa religiosité, ce qui donne un caractère assez daté à la narration.
On rajoute à cela le côté très larmoyant des sentiments de Jane, qui pleure, qui se morfond… Ah oui, j’ai oublié de préciser que les grands étalages des sentiments des romans d’amour, ce n’était pas mon fort.
Bref au bout d’une centaine de pages, je n’aimais clairement pas ce roman à cause de ces trois éléments (intrigue convenue, forte religiosité et coté larmoyant). Cela m’a d’ailleurs amenée à m’interroger sur mon grand amour des romans de Jane Austen vu qu’ils datent de la même époque (”Jane Eyre” fut publié en 1847, et les romans d’Austen entre 1811 et 1817) et comportent une intrigue assez proche (une jeune fille à marier, de préférence avec un bon parti). J’en ai conclu que cela venait du style de Jane Austen, moins de religion et surtout, surtout, un regard ironique sur ses héroïnes qui met une certaine distance entre ces jeunes ingénues et le lecteur, distance absente de ”Jane Eyre”.
Pourtant j’ai quand même apprécié ma lecture. L’une des raisons est Mr Rochester. On est loin du jeune premier. Il a la quarantaine, il a déjà bien vécu. Il n’est clairement pas parfait. Il peut être un peu mal dégrossi avec l’héroïne, un peu comme Darcy, mais l’allure de jeune premier en moins. Il a un côté bourru et imprévisible, qui lui donne une fraicheur par rapport à d’autres héros de ce genre de romans. Il sait être très franc sur son passé et ses erreurs, notamment avec Jane. Il a un coté passionné et désespéré, qui le rend attachant, en tout cas fascinant.
Il y a un autre personnage que j’ai trouvé intéressant : St John. Il a animé ma lecture car dès qu’il paraissait, je sortais mentalement les griffes. Autant il est charmant au départ, autant il devient horripilant et devient une menace pour Jane. Sa simple présence crée une tension qui donne une intensité au récit.
Enfin troisième raison de s’intéresser à ce roman : la posture féministe de Jane. Cette jeune fille se bat pour être indépendante et respectée, pour subvenir à ses besoins et à chercher le bonheur, malgré tous les obstacles qui se dressent contre elle. Il faut dire qu’être moche, pauvre et avoir mauvais caractère (ou avoir le sens de l’injustice, cela revient au même pour elle) sont des éléments à charge auprès de la bonne société anglaise de l’époque.
Le traitement des paysages et du climat mérite d’être noté. Cela justifie de rapprocher Brontë du romantisme et du roman gothique. On a de nombreuses descriptions de paysage. Et le temps correspond souvent avec l’humeur de l’héroïne. Il suffit de voir dès les premiers chapitres quand, suite à une agression de son cousin, la jeune Jane se rebiffe et est punie, une tempête se déclare et assombrit le décor. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres.
Un dernier point que je mets en spoiler sur la religion et Jane. Je donne des éléments importants de l’intrigue donc à vos risques et périls.
Je trouve un parallèle entre St John et Jane. Tous deux ont rejeté l’amour au nom de la religion. Jane a rejeté Mr Rochester, qui l’aimait, car il était dans l’impossibilité de l’épouser. St John refuse une femme qui ne pourrait pas l’accompagner dans ses projets de missionnaire en Inde. De plus, il sous entend qu’en refusant de partager son sort et de l’épouser, Jane est une mauvaise chrétienne. La religion a une place centrale dans la construction du bonheur de notre héroïne mais on trouve aussi au travers du portrait de St John une certaine condamnation de l’ambition hypocrite des missionnaires, prêts à sauver le monde sans éprouver de véritable amour, soit envers une personne précise, soit envers le genre humain dans sa globalité.
La posture féministe de Jane me semble un peu fragile. Certes elle s’insurge de sa situation mais elle se conforme à la bienséance et à la religion en rejetant l’amour sincère et réciproque de Rochester pour des raisons qui, surtout vues du XIXe siècle, semblent contestables et vieux jeu. J’admets évidemment qu’accepter de vivre à la colle avec Rochester dès qu’il lui apprend pour sa femme folle aurait fait une fin moins épique que celle choisie par l’auteure…
Au final une lecture qui m’a quand même plu malgré ses défauts. D’un côté une écriture qui a, à mes yeux, mal vieilli mais des personnages hauts en couleur, notamment un, Mr Rochester, qui occupe toute la scène quand il est présent. Une fin satisfaisante mais un peu victime des normes de l’époque.