Lauréat du Grand Prix de l’Imaginaire en 2006, ce roman est assez atypique, aussi bien dans sa conception, dans sa réalisation et aussi dans son intrigue. Roman atypique pour un auteur touche à tout, un français, lyonnais précisément (et forcément un mec bien dirait ma moitié vu que lui aussi est de Lyon), qui produit aussi bien des bouquins de littératures de l’imaginaire, des essais politiques ou participe à des projets musicaux ou vidéo-ludiques.
Quatrième de couverture : Un groupe d’élite, formé dès l’enfance à faire face, part des confins d’une terre féroce, saignée de rafales, pour aller chercher l’origine du vent. Ils sont vingt-trois, un bloc, un nœud de courage : la Horde. Ils sont pilier, ailier, traceur, aéromaître et géomaître, feuleuse et sourcière, troubadour et scribe. Ils traversent leur monde debout, à pied, en quête d’un Extrême-Amont qui fuit devant eux comme un horizon fou. Expérience de lecture unique, La Horde du Contrevent est un livre-univers qui fond d’un même feu l’aventure et la poésie des parcours, le combat nu et la quête d’un sens profond du vivant qui unirait le mouvement et le lien. Chaque mot résonne, claque, fuse : Alain Damasio joue de sa plume comme d’un pinceau, d’une caméra ou d’une arme… Chef-d’œuvre porté par un bouche-à-oreille rare, le roman a été logiquement récompensé par le Grand Prix de l’Imaginaire.
Critique :
De prime abord, ce roman impressionne (700 pages et une écriture assez dense). Il déboussole aussi : numéroté dans le sens inverse (on commence à 700 pour finir à 0), il alterne les points de vue des vingt trois personnages, signalant qui est le narrateur par un petit symbole. A chaque personnage, est associé un symbole et, dans mon édition, il y a un marque-page récapitulant tous les symboles (pour éviter d’avoir à revenir à la page en début de tome). Il est aussi déconcertant car dès le départ il nous plonge dans les notions propres à ce monde (le vent et ses neuf formes, la Trace, le vif) et on obtient parfois des explications assez tard dans le roman.
L’intrigue est intéressante. Ce groupe d’élite, dont chaque membre est entraîné dès son plus jeune âge pour assurer cette tâche, lutte pour parvenir à l’Extrême-Amont, la source de ce vent qui balaie ce monde. On s’attache à certains personnages : Le Prince et Sov, Oroshi aussi alors que d’autres restent assez antipathiques, notamment Golgoth, le Traceur, qui me semble buté et insensible, revanchard et parfois cruel. J’avais bien aimé Caracole le troubadour, qui n’est pas sans rappeler le fou chez Robin Hobb : flamboyant, visionnaire, imprévisible et ambigu.
Ce que je retiendrai surtout de cette lecture, c’est son écriture. Chaque personnage-narrateur a son style bien particulier : écrit d’un style assez élevé (Sov le scribe), jouant sur les mots (comme le troubadour Caracole) ou cru (comme parle Golgoth). D’autres se feront plus discrets, se feront rarement narrateurs et on les percevra surtout à travers le regard des autres.
Quelques citations :
La monotonie n’existe pas. Elle n’est qu’un symptôme de la fatigue.
D’une certaine façon,être vivant ne s’atteint que par ce triple combat : contre les forces de gravité en nous – la paresse, la fatigue, la quête du repos ; contre l’instinct de répétition – le déjà-fait, le connu, le sécurisant ; et enfin contre les séductions du continu – tous les développements durables, le réformisme ou ce goût très fréole de la variation plaisante, du pianotement des écarts autour d’une mélodie amusante. (533)
En définitive, j’ai aimé ce roman, certaines de ses caractéristiques mais, contrairement à Elbakin, je ne mettrais pas un 10 / 10 à ce roman. J’ai trouvé qu’il était parfois trop difficile à suivre, je me suis parfois ennuyée quand les narrateurs échangeaient leurs théories sur les différentes formes du vent, ce qui n’était pas sans rappeler les “délires technologiques” de certains romans d’hard SF, et globalement la fin m’a un peu déçue. A lire pour son écriture, son côté déboussolant, ses personnages…